J’ai tant de choses à vous dire… Tant de silence aussi.
Les mots sont là autour de mon coeur, de mon ventre. Je les frôle avec délicatesse, préciosité, sans être sûre encore de vouloir les enfermer dans une phrase… Pourtant, vient le temps de dire, de déposer aux pieds de l’autel, de partager, de rendre hommage.
Avez-vous déjà eu le bonheur de marquer dans le temps, de célébrer, un rite de passage en conscience ?
Je ne parle pas de « faire » des rites de passages, je parle de les sentir s’inscrire dans sa chair, dans ce point de bascule vers l’inconnu où l’on sait que plus rien ne sera pareil mais qu’en même temps, les changements seront probablement invisibles de l’extérieur… Ce point de bascule où l’on explose en sanglots en s’adressant au Divin : « Je ne sais pas, je n’ai aucune idée de ce qui m’attend… Mais je suis prête, guide-moi. ».
J’aime ce moment suspendu pendant l’écriture où je ne sais pas encore exactement où les mots me mènent mais où ils s’installent avec une évidence telle que je ne peux que les honorer. Parce que vous dire, c’est accoucher de moi-même. Parce que vous chuchoter quelque chose de très précieux par l’écrit, c’est en préserver tout le sacré que la parole pour moi souvent égratigne, évacue par pudeur ou maladresse.
Je vis une transition bouleversante. Et pourtant tellement invisible !
Tellement insignifiante pour l’instant par rapport aux transitions marquées dans le temps comme un déménagement, un mariage, un accouchement, un changement de profession… Cette transition me parle d’amour de moi. Je vous retourne tendrement le miroir, comment prenez-vous soin au quotidien de cet amour, le plus important du monde, celui envers vous-mêmes ?
J’ai mis si longtemps à le découvrir. Si longtemps à sentir cet amour et à le bercer comme la chose la plus précieuse du monde. Cet amour qui me fait sentir le subtil point de bascule entre les choses à faire et les temps d’être. Entre la survie et la vie. Entre la peur et l’amour. Entre l’honnêteté et la tendresse.
Je suis maman depuis bientôt 5 ans, et même si je le suis depuis toute petite avec mes chères poupées, pour la première fois peut-être dans ma chair, je prends conscience que ce rôle est devenu le rôle principal de ma vie… Et que je sens tant de gratitude émue pour cela. Cette nuit dans mon rêve, je réalise que j’ai tourné un long métrage exceptionnel dans lequel j’ai le rôle principal et qu’il se diffuse à grande échelle. Dans le rêve, cela me perturbe profondément… Ce qui a été un objectif pendant de longues années parisiennes il y a bientôt une décennie, soudain, me semble complètement passé, usagé, étranger. Quel intérêt d’avoir eu ce rôle qui m’ouvrira tant de portes puisque je sais que je ne voudrais plus tourner d’autres films ?
Alors voilà ce grand rite de passage. Dans l’inconscient familial de mes lignées, l’on considère une personne selon ses réussites professionnelles.
Selon ses aboutissements, son génie, la hauteur de ses ambitions. Jamais, au grand jamais, on ne prendrait le temps de s’émerveiller devant une femme qui a accouché de dix enfants, comme ce fut le cas de l’une de mes arrière-grands-mères.
Cela se passe en coulisses. « L’essentiel » n’est pas là.
Ainsi, depuis toujours, lorsque l’on me félicite sur ces rôles sociaux, ces entreprises, ces aboutissements professionnels, je souris poliment, mais cela n’éveille pas beaucoup d’émotions en moi. Cela me parait plutôt « normal », cela ne me demande pas beaucoup d’efforts, c’est dans mes gênes en quelques sortes.
Par contre, durant cette semaine dont je reviens et que j’ai pris juste pour moi en Grèce, pour sentir où je suis, où se trouve mon Désir étouffé par mon souffle court de la charge mentale… J’ai réalisé que si à la fin de ma vie une personne venait vers moi pour me dire à quel point elle a été touchée de voir mon amour pour mes enfants, pour ma tribu, à quel point j’ai été là pour les écouter, les accompagner, prendre le temps d’être avec eux, prendre le temps de sentir leurs souffrances et leurs joies, accompagner les rites de passages de leur vie et devenir cette grand-mère sagesse qui transmet les histoires de la mythologie et des rêves comme autant de clés et de Graal… Là, je pense que oui, je serais émue.
Émue de m’être libérée des « il faut » pour vivre les « je sens » et les « je suis ». Émue d’avoir réussi à tisser un lien si profond et si doux avec mon âme, que les rêves de mes nuits aient guidé mes jours vers cette union spirituelle, cette célébration de la Déesse, du Divin, dans chacun de mes souffles. Émue d’avoir été réceptacle d’amour pour mes enfants d’abord, pour ma tribu élargie ensuite, dans la mesure de mon possible et de chaque instant.
Les parents sont des initiés. Les mères sont des reines. Et les femmes qui ont fait le choix en conscience de ne pas l’être, sont souveraines de leur vie et de leur Dharma.
Alors aujourd’hui, si l’École des Mystères du Féminin peut éveiller à cet Amour-là, celui de soi, de cette foi infinie dans cet Amour souverain, de remettre les priorités à leur juste place, pour retrouver le souffle divin sous le souffle court, l’amour inconditionnel sous les devoirs quotidiens, les mantras sous les échanges, la danse extatique sous les déplacements et les gestes… Alors oui, je sentirais que ce rôle principal dans ce film a servi à quelque chose. Et que je peux ne plus jamais tourner aucun long métrage, ce film-là aura guéri des coeurs et ouvert des yeux sur l’essentiel.
Aujourd’hui, je prends conscience de faire ce pas vers le premier jour du reste de ma vie. Celui d’être mère de mes enfants et compagne de mon homme, qui sont les visages que le Divin a choisi de prendre pour moi dans cette vie-ci, afin d’être si proche de moi chaque jour. Et qu’en faisant d’eux mon essentiel et ma priorité, plutôt que de me couper d’autre chose, je m’ouvre à une nouvelle liberté d’être et de transmettre, avec moins de pression et plus d’alignement avec mon véritable Dharma.
Je conclus ces mots en m’agenouillant aux pieds de la Déesse. Merci à la communauté des femmes dont la sororité guérissent cet Absolu que je cherchais vainement, pendant tant d’années de souffrance, hors de moi.
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